par Lida Aghasi, coprésidente de la TCRI

La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) joint sa voix à celle de multiples autres acteurs de la société civile pour demander aux gouvernements fédéral et du Québec de reconnaître l’apport exceptionnel des personnes immigrantes à l’effort socio-sanitaire et de faciliter l’obtention de la résidence permanente et l’accès à l’ensemble des services et mesures de soutien pour les personnes à statut précaire, incluant les demandeurs d’asile, les travailleurs temporaires, les étudiants internationaux et les personnes sans statut.

La crise sanitaire actuelle a permis de mettre en lumière le travail souvent invisible de milliers de personnes immigrantes travaillant présentement dans les services essentiels, soit sur la ligne de front de la lutte à la Covid-19. Ces emplois sont largement occupés par des femmes à statut précaire, lesquelles sont surreprésentées parmi les travailleuses des services essentiels qui se trouvent au bas de l’échelle salariale, incluant les emplois en santé et en éducation à l’enfance.

Non seulement ces personnes contribuent-elles, au prix de leur santé et de celle de leur famille, de manière disproportionnée à l’effort socio-sanitaire collectif, mais elles sont aussi les premières à subir les effets pervers de cette crise. Les taux d’infection plus élevés dans les quartiers comptant la plus forte proportion de personnes à statut précaire (Montréal-Nord, Ahuntsic-Cartierville, Parc-Extension, Côte-des-Neiges, etc.) parlent d’eux-mêmes.

En raison de politiques publiques discriminantes, ces personnes se retrouvent trop souvent privées de l’accès à l’ensemble des services et ressources dont bénéficie le reste de la population. Mentionnons par exemple que les demandeurs d’asile sont exclus des services de garde subventionnés et des allocations familiales pour enfants. Les personnes sans statut, et une proportion d’étudiants internationaux et de travailleurs étrangers temporaires, se retrouvent pour leur part sans accès à une couverture médicale. Au fil des ans, les gouvernements qui se sont succédé ont fait le choix de maintenir certaines catégories de personnes immigrantes dans une situation de grande précarité socio-économique.

Force est de constater que les inégalités relatives aux conditions de vie, déjà présentes avant la crise, ne sont qu’exacerbées par la pandémie actuelle. D’un point de vue de santé publique, il n’y a pas de démonstration plus claire que la précarité du statut d’immigration constitue un déterminant majeur de la santé.

L’obtention d’un statut de résident permanent est un véritable parcours du combattant qui s’échelonne sur plusieurs années pour bon nombre de personnes immigrantes à statut précaire. De nombreux demandeurs d’asile déboutés et personnes sans statut se rabattent sur l’espoir de régulariser leur situation d’immigration en déposant une demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire auprès du gouvernement fédéral. Bien que nous saluions l’existence d’un tel processus de régularisation, il n’en reste pas moins long, coûteux, inaccessible à tous, et entièrement discrétionnaire. En dépit de l’incertitude entourant leur avenir et celui de leur famille au Canada, les personnes immigrantes, quel que soit leur statut d’immigration et la voie d’accès qu’elles ont empruntée pour arriver au Canada, contribuent à la vitalité de notre société et de notre économie. La présente crise sanitaire jette un éclairage sans précédent sur le travail invisible d’une grande partie de la population, qui reste malgré tout privée de l’exercice de l’ensemble de ses droits. La crise actuelle se doit d’être une occasion de réfléchir collectivement aux conditions de vie et au sort que notre société leur réserve.

Nous invitons le gouvernement du Québec à faire preuve d’inclusion et de solidarité en mettant en place des initiatives qui permettraient à tous, peu importe le statut migratoire, d’avoir accès à l’ensemble des services et mesures de soutien gouvernementales (accès aux services de garde subventionnés, couverture médicale RAMQ, allocations et prestations sociales, accès aux études post-secondaires, etc.). Ces mesures se doivent d’être permanentes, et non limitées à la durée de l’état d’urgence sanitaire.

Dans la même veine, nous invitons le gouvernement fédéral à réfléchir à l’adoption de mesures et programmes facilitant l’obtention du statut de résident permanent au Canada pour les personnes à statut précaire se trouvant déjà sur le territoire. Par exemple, ces initiatives pourraient prendre la forme d’une dispense de frais et de certaines conditions pour le dépôt de demande de résidence permanente pour motifs humanitaires, de l’élargissement des conditions d’obtention d’un permis de séjour temporaire (PST), etc.

En guise de reconnaissance des efforts de lutte contre la pandémie, le gouvernement fédéral pourrait également exempter les travailleurs de services essentiels des frais de renouvellement de permis de travail, qui constituent un véritable fardeau financier pour les travailleurs les plus précaires, tels que les demandeurs d’asile déboutés. Les initiatives qui favoriseront l’élimination des obstacles à l’octroi de la résidence permanente seront les bienvenues.

Qui plus est, nous sommes d’avis que la contribution à l’effort socio-sanitaire, tout comme l’impact spécifique de la pandémie sur les femmes immigrantes de tous statuts doivent être reconnus et structurellement pris en compte, notamment à travers l’établissement de mesures et de politiques adaptées.

Nous restons ouverts à travailler avec les deux paliers de gouvernement pour trouver ensemble des moyens de mettre en œuvre des mesures favorisant le plein exercice des droits des personnes immigrantes. S’il est une certitude, c’est que la présente crise sanitaire offre une opportunité sans précédent aux différents gouvernements en place de reconnaître ces personnes à leur juste valeur et de mettre en place des politiques publiques qui cessent de les exclure.

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